
J’ai participé ce jeudi 6 octobre 2022 à l’une des nombreuses tables-rondes organisées dans le cadre d’un évènement co-organisé à Lyon par le pôle Travail de la DDEETS du Rhône, l’ODDS du Rhône et le journal Le Progrès, intitulé Dialogue social en action, et dont l’objectif, rappelé par Dominique Vandroz, co-organisateur et directeur-adjoint du travail du Rhône en introduction à cette journée, de permettre aux acteurs du dialogue social de « bénéficier d’un lieu d’échanges pour mettre en valeur leurs accords, comparer leurs pratiques, identifier des champs nouveaux pour la négociation collective ». Je reproduis ci-dessous le texte de mon intervention orale ce jour-là.
Pour les vidéos des tables rondes suivies de témoignages de praticiens « Dialogue Social et Qualité de vie et conditions de travail », cliquer ici ; « Dialogue Social et Pouvoir d’Achat », cliquer ici ; « Dialogue Social et RSE », cliquer ici ; « Dialogue Social et Egalité Professionnelle », cliquer ici.
Trophées décernés : « Prix de l’égalité Femme/Homme et de la diversité au travail », cliquer ici ; « Prix du Dialogue social dans les TPE-PME », cliquer ici ; « Prix du Travail de demain », cliquer ici ; « Prix de la Formation et de l’emploi », cliquer ici ; « Coup de cœur du Jury », cliquer ici.
Interventions des parrains de l’évènement, Anousheh Karvar et et Jean-Dominique SIMONPOLI, cliquer ici.

La loi du 16 août 2022 a changé la dénomination de la « prime Macron » : elle est passée de PEPA, « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », à PPV, « prime de partage de la valeur ». Ce qui est une très bonne chose car cet intitulé met en lumière deux évidences, toujours un peu oubliées : un, une entreprise est un lieu de création de richesses et de valeur ; et deux, cette valeur ajoutée créée par le travail salarié doit être partagée entre actionnaires, l’État et les salariés.
Le meilleur mécanisme qui opère ce partage de valeur s’appelle une négociation collective. Le mot a été inventé en 1891 par une économiste du Labour Party anglais, Beatrice Webb, puis conceptualisé dans un ouvrage écrit avec son mari Sidney Webb, Industrial Democracy, publié en 1897.
Ce mécanisme a donc 125 ans ; et c’est un mécanisme d’une puissance extraordinaire : des individus, représentants les intérêts de deux parties, salariés et employeurs, se mettent d’accord, plus ou moins facilement et pour les raisons qui sont les leurs, sur un taux de salaire ou sur une règle de travail, ou sur une manière de décider ensemble à propos de certains problèmes socio-productifs.
Problème : ce mécanisme qu’est une négociation collective est encore trop peu utilisé en France, surtout dans les TPE et PME, alors que de nombreuses dispositions juridiques la facilitent…
Deux chiffres pour illustrer cela, puisque viennent d’être publiés en juillet dernier les résultats de la dernière enquête ACEMO par la DARES et, il y a quelques jours, le Bilan 2021 de la négociation collective par la DGT. Premier chiffre : 8 % seulement des PME de 10 à 50 salariés déclarent avoir négocié en 2020 (et 7 % en 2019). Second chiffre : 44 000 accords collectifs ont été signés en France en 2021, tous types de signataires confondus, soit un quart – seulement ! – des 160 à 180 000 entreprises potentiellement concernées en France…
Pour qu’il soit efficient et satisfaisant pour toutes les parties, ce mécanisme de partage de valeur doit être précédé, à la table de négociation, par un mécanisme de « création de valeur ». Autrement dit : générer de la valeur avant de pouvoir la partager…
Comment y parvenir : en raisonnant en problème à résoudre ensemble. La seule question à se poser, dans toutes les entreprises et par toutes les parties prenantes, devrait donc être aujourd’hui celle-ci : comment maintenir, par de multiples façons, le pouvoir d’achat des salariés, compte tenu de la crise énergétique, de l’inflation croissante et des ressources disponibles dans l’entreprise ? Réponse : en étant créatif, imaginatif, d’une part, et en n’oubliant pas, d’autre part, que la préférence de l’un peut s’inscrire dans une équivalence pour l’autre. Avec ceci à l’esprit, les deux parties peuvent alors dresser l’inventaire des différents moyens de partager cette valeur ajoutée créée par le travail de tous. Cela peut être des augmentations salariales individuelles avec une part collective, ou que du collectif mais ciblé sur les petits salaires, ou un dispositif d’épargne salariale, la prime de partage de valeur, un dispositif de protection sociale, des tickets restaurants, la mise à disposition de matériels de l’entreprise, etc. selon le principe dit de l’optimum de Pareto : je peux donner à l’un tout ce qu’il veut jusqu’au moment où cela commence à dépouiller l’autre… Ou encore, pour prendre l’exemple des automates bancaires, pour un même montant de retrait d’argent, on peut, selon notre préférence, obtenir cette somme en petites coupures, ou en grosses coupures, ou un mélange des deux… Cette créativité en matière de pouvoir d’achat devrait rythmer vos négociations…

Je disais à l’instant que le mot « négociation collective » avait été inventé en 1891. Ce mécanisme s’est généralisé après la Seconde guerre mondiale partout dans le monde occidental. Aujourd’hui, négocier les rémunérations et débattre du thème « Dialogue social et pouvoir d’achat » semble normal pour nous tous. Je rappelle d’ailleurs que le thème « Salaires et primes, intéressement, épargne collective » c’est plus de 60 % des accords collectifs signés en 2021 – et que le thème « Conditions de travail » n’a concerné, malheureusement, que 5 % des accords…
Rappelons-nous cependant, ou imaginons ce que fut la réaction des employeurs dans les années 1920-1930, ou les années 1950-1960, quand on leur parlait de négocier avec les syndicalistes les rémunérations des salariés : ils n’en voyaient guère la nécessité et beaucoup pensaient qu’avec cette négociation salariale le communisme était déjà à leur porte de leur entreprise…
Aujourd’hui, les questions d’organisation du travail sont cruciales ; car c’est de la qualité de cette organisation que dépendent le succès et le bon fonctionnement de l’entreprise – donc la création de valeur, via la performance économique de l’entreprise. Il nous faut accepter le fait que cette organisation du travail doit devenir, le plus rapidement possible, un objet de négociation aussi évident et nécessaire que le sont les salaires aujourd’hui…
La prochaine édition de « Dialogue social en actions » devrait ainsi prévoir une table ronde intitulée « Dialogue social et organisation négociée du travail »…
Merci Christian pour ce retour… Je vais écouter et lire cela… Et le diffuser auprès de mes réseaux… RDS organise dans 4 régions des initiatives dont une à Lille le 17 novembre dans les locaux de L’AG2R La Mondiale de Mons en Baroeul… Et côté fonction publique nous réfléchissons à une initiative d’approfondissement et d’interpellation … Amitiés Benoît
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