La négociation collective sort-elle renforcée des réformes introduites par les ordonnances sur le Travail de 2017 ?

(Je reproduis ci-dessous divers commentaires critiques à propos de la négociation collective en France, suite à la publication, le 17 décembre dernier, du rapport 2021 du CEO, le comité d’évaluation des ordonnances. Le premier commentaire est un extrait d’un (excellent) article paru le 17 janvier dans l’hebdomadaire Semaine sociale Lamy, signé de Georges Meyer, avocat au barreau de Lyon, associé du cabinet Delgado-Meyer et publié sous le titre suivant : Le dialogue social ne sort pas renforcé des réformes de 2017. Regards d’un praticien sur le rapport du comité d’évaluation des ordonnances. À noter : ce même numéro 1983 de la SSL publie un entretien avec Marcel Grignard, co-président du CEO, intitulé : Une mise en œuvre purement formelle des ordonnances. Les deux textes suivants reproduisent les communiqués de la CFDT et de FO à propos du volet « négociation collective » des ordonnances de 2017. Le dernier texte reproduit est un article (intéressant) de L’Usine nouvelle, publié le 12 janvier dernier, à propos de la rencontre du 10 janvier des partenaires sociaux avec Mme la ministre du Travail, Elisabeth Borne, à propos du bilan des ordonnances de 2017).

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Extrait de : Le dialogue social ne sort pas renforcé des réformes de 2017, par Georges Meyer, Semaine Sociale Lamy, 17-01-2022.

 « La loi de 2016 et les ordonnances de 2017, posant le principe de la primauté de l’accord collectif d’entreprise, ont conduit au développement de la négociation dérogatoire.

D’un point de vue quantitatif, le nombre total d’accords signés dans les entreprises augmente en particulier du fait des accords conclus par des élus et salariés mandatés et ceux ratifiés par référendum aux deux tiers dans les entreprises de moins de 20 salariés (Note 12 : Tous les chiffres de l’étude font abstraction du champ de l’épargne salariale.).

Les accords conclus avec les délégués syndicaux restent majoritaires (près de 34 000 en 2020) mais progressent modérément en tendance. En revanche, le nombre d’accords ou avenants conclus avec des élus membres d’instances ou des salariés mandatés augmente de façon significative et continue depuis 2016-2017 : on passe de moins de 2 000 accords entre 2014 et 2016 à 7 000 en 2019 et plus de 9 000 en 2020.

Il en est de même, des textes ratifiés aux deux tiers des salariés (dans les entreprises de 20 salariés et moins, en l’absence de représentant du personnel) progressent et leur nombre a dépassé en 2020, le seuil de 5 000. Une large majorité de ces textes est relative au temps de travail (Note 13 : 000 accords sur les 5 000 portent sur le temps de travail : heures supplémentaires, forfaits jours, durée et aménagement du temps de travail. Rapport, p. 89.)

Le rapport note également une forte augmentation d’autres types de texte, qui ne sont pas des accords mais sont répertoriés comme signés par le seul employeur (plan d’action, décisions unilatérales, etc.) qui, selon les experts « conduit à amplifier le dynamisme apparent du dialogue social » (Note 14 : Doublement entre 2016 et 2020 (de 5 000 à 10 000, hors épargne salariale), portant le total des accords, avenants et décisions unilatérales à plus de 63 000 en 2020 (+ 39 % hors épargne salariale). Rapport, p. 97.)

On peut s’étonner de la classification de ces textes dans la catégorie des produits du dialogue social, ce que le rapport justifie en indiquant qu’ils « peuvent révéler dans certains cas une tentative de négociation avortée, ou l’adoption d’un plan d’action unilatéral après simple information et consultation des IRP ou des salariés ».

En ce qui concerne plus particulièrement les accords de performance collective, dont on connaît l’effet redoutable sur le contrat de travail, leur nombre a continué à progresser, y compris pendant la crise sanitaire (Note 15 : 809 APC depuis l’origine du dispositif. Pour le détail, cf. Rapport, p. 115 et s.) alors que le nombre global d’accords signés a diminué pendant la même période. Et, il est établi qu’un tiers des accords est signé dans les entreprises de 10 à 49 salariés et 10 % dans les entreprises de 1 à 9 salariés (avant la crise sanitaire) (Note 16 : Le rapport (p. 120) distingue plus précisément la négociation avant et pendant la crise sanitaire.).

L’augmentation du nombre d’accords signés depuis l’entrée en vigueur des réformes n’est pas un indicateur de succès ; il ne dit rien de la qualité du dialogue social. Le rapport n’a pas évincé la question et a consacré un intéressant chapitre à approfondir la notion sur le plan théorique, proposant des outils de mesure de la qualité du dialogue social (Note 17 : Plusieurs approches sont identifiées. Cf. chapitre 5 : « Qualité du dialogue social : approfondissements » ; Rapport, p. 161 et s).

Le travail d’évaluation proprement dit reste cependant à réaliser. Selon nous, la qualité du dialogue social dans la négociation devrait également être appréhendée en mesurant la capacité des organisations syndicales et des représentants du personnel à pouvoir influencer, agir sur les décisions de l’entreprise et à obtenir la satisfaction de revendications/propositions dans la négociation des accords collectifs.

Mais cela passe par la possibilité de discuter des propositions de la direction, de remettre en cause ses motivations et le diagnostic qu’elle fait de la situation de l’entreprise, de formuler des contrepropositions ou encore de proposer des rédactions ou accords alternatifs.

Ce qui implique nécessairement une structuration du processus organisant, facilitant la négociation collective et nécessaire à l’appropriation des sujets par les représentants du personnel : temps, moyens, informations.

Sauf à en dénaturer le sens et l’objet, la négociation collective ne doit pas se résoudre à un processus unilatéral. Peut-on sérieusement parler de négociation pour un texte portant sur le temps de travail ratifié (le terme est d’ailleurs significatif) par deux tiers des salariés ?

Les réformes de 2016 et 2017 ont entendu privilégier le résultat – déroger à la loi ou à la branche – et se sont très peu préoccupées du processus de négociation. À ce titre, elles n’ont prévu aucune garantie minimale d’information des salariés sur les raisons, la situation de l’entreprise et les enjeux, aucune garantie ni aucun dispositif permettant de s’assurer de l’existence d’un minimum d’échanges préalables.

Les réformes de la négociation collective n’ont pas corrigé l’asymétrie entre les parties, alors même que les sujets et enjeux de négociations sont complexes, que des efforts et concessions sont demandés aux salariés et qu’ils peuvent être lourds de conséquences (flexibilisation du temps de travail, APC, RCC…).

La loyauté dans la négociation reste un angle mort des réformes et un sujet non traité par le comité d’évaluation des ordonnances même si les rapporteurs précisent que « la question de l’appréciation de la notion de loyauté de la négociation et de leur force contraignante, notamment d’un point de vue juridique, est un sujet important de suivi et d’évaluation pour l’avenir, qui a été régulièrement mentionné lors des auditions du comité » (Note 18 : Rapport, p. 123 ; à propos des APC mais le propos est généralisable.).  La question, ouverte depuis longtemps, reste donc en chantier » 

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Extrait de la contribution de la CFDT au rapport 2021 du CEO

 « L’objectif initial des ordonnances qui visait à recentrer et rendre plus efficace le dialogue social au niveau des entreprises afin de mieux prendre en compte les situations particulières de chacune d’elles est, pour la CFDT, un objectif tout à fait pertinent. Malheureusement, la manière dont cette réforme a été pensée et construite ne permet pas d’atteindre cet objectif. Comment d’ailleurs croire que l’on puisse à la fois renforcer le dialogue social dans l’entreprise et baisser les moyens d’action des représentants des salariés ? La loi telle qu’elle est conçue provoque une « asymétrie » du fait de dispositions supplétives bien trop basses pour provoquer au sein des entreprises un réel échange et une négociation sur la manière et les moyens de conduire un dialogue social de qualité. Au lieu de cela, de très nombreuses entreprises qui voient la représentation du personnel comme une contrainte et une source de coûts ont profité de cette loi pour se mettre au minimum légal et ainsi réduire le dialogue social à sa portion congrue. Comme l’a très bien exprimé un chef d’entreprise : « vous avez eu 1982 (Lois Auroux) nous avons eu 2017 (Ordonnances Macron) ».
Il faut absolument que notre pays dépasse cette approche « cour de récréation » pour comprendre que le dialogue social peut être une vraie chance pour l’entreprise à la condition que les protagonistes aient du respect mutuel, des moyens d’agir et des pouvoirs rééquilibrés. L’entreprise n’est pas la propriété unique des actionnaires et de leurs représentants, c’est également celle des salariés qui par l’apport de leurs compétences et de leur travail, lui permet de prospérer dans une optique économique, sociale et environnementale. C’est pour aller dans ce sens que la CFDT propose une série d’aménagements, qu’elle a d’ailleurs adressée au gouvernement. Mais la CFDT revendique également un système de « co-détermination à la française », faisant une vraie place aux salariés dans l’élaboration et la conduite de la stratégie de l’entreprise. »

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Extrait du communiqué de FO suite à la rencontre du 10 janvier 2022 entre les partenaires sociaux et la ministre du Travail, Mme Borne à propos des ordonnances sur le travail de 2017

« Les ordonnances travail de 2017 ont fortement dégradé le dialogue social, avec la fusion des instances représentatives du personnel dans le CSE, une décentralisation accrue des négociations affaiblissant le rôle de la branche, ou encore la création de dispositifs tels que le référendum dans les petites entreprises comme détournant la nature de la négociation collective.

Quatre ans après la mise en place des premiers CSE, les représentants du personnel sont nombreux à témoigner d’une forte réduction de leurs moyens et d’une dégradation générale du dialogue social. Nos craintes exprimées dès la publication des ordonnances sont donc plus que jamais fondées et d’actualité.

Le gouvernement propose aujourd’hui la mise en place d’un plan d’accompagnement de la mise en œuvre des ordonnances travail portant sur trois axes : 1) le renforcement de la formation et la valorisation des parcours syndicaux, 2) l’accompagnement à la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) et l’appropriation des outils de réorganisation des systèmes de représentation dans l’entreprise, et 3) la montée en puissance de la négociation collective, particulièrement dans les TPE.

Pour FO, il ne s’agit pas aujourd’hui d’accompagner la mise en œuvre des ordonnances mais bien de revenir sur nombre de leurs dispositions pour rétablir la liberté et renforcer les droits effectifs de la négociation collective porteuse de progrès social et non de régression.

Or, FO constate qu’au-delà des énoncés généraux, ce plan vise surtout à assurer la promotion des différents dispositifs existants, afin d’inciter les entreprises à y recourir, mais ne prévoit à aucun moment de correctifs en réponse à toutes les difficultés qui ont été mises en avant par les études présentées dans le cadre du comité d’évaluation, et au-delà par les organisations syndicales elles-mêmes.

S’agissant de la formation des élus, il est proposé de mieux mettre en lumière les formations existantes et valoriser les formations communes. Outre que FO est plus que réservée sur les formations communes entre employeurs et représentants des salariés, qui interrogent sur l’indépendance respective, le réel problème en matière de formation n’est pas tant l’offre de formation que les droits limités en la matière. FO à cet égard revendique un droit à formation pour les suppléants ainsi que pour les délégués de proximité dont il faut renforcer le nombre ; des moyens et jours de formation supplémentaires lié à l’exercice des missions sur les questions environnementales… FO appelle aussi à mettre fin à la limitation à deux renouvellements de mandats pour les élus du personnel, le renouvellement des mandats de délégués devant rester de la liberté des syndicats.

Concernant le développement des CSE dans les PME, le plan propose des actions pédagogiques pour convaincre les employeurs de l’utilité des IRP, comme s’il s’agissait d’une obligation facultative. Il convient de contraindre les entreprises à respecter leurs obligations en la matière, ce qui passe par plus de contrôle et donc des moyens renforcés des services compétents.

Faire des propositions spécifiques en matière de santé et de sécurité, de référencement des compétences des différents acteurs et proposer de les sensibiliser à ces thématiques, ne répond pas à la question des moyens requis. Or, le manque de moyens des élus (en termes de compétence, de temps et de formation) n’est, une fois de plus, pas abordé. Les déclarations d’intention ne compensent pas la disparition d’une instance exclusivement consacrée à ces sujets de santé, sécurité et conditions de travail, le CHSCT, dont la crise sanitaire a soulevé à quel point son rôle était essentiel et dont FO revendique la remise en place dans toutes les entreprises à partir de 50 salariés (et non 300 comme pour les CSSCT), soulignant d’ailleurs que l’ANI Santé au travail allait dans ce sens que n’a malheureusement pas concrétisé la loi.

En matière de négociation, que les accords dans les petites entreprises aient été concentrés sur l’épargne salariale n’est pas surprenant tant les pouvoirs publics en font la promotion au détriment des salaires. Quand de tels accords ont été au-delà, FO ne peut que déplorer les situations où cela a été utilisé pour faire adopter des accords APC (accords de performance collective) porteurs de régressions. Le référendum d’entreprise dans les moins de 21 salariés n’est en aucun cas de la négociation, mais un texte unilatéral de l’employeur soumis au vote des salariés, dans un contexte où le lien de subordination est particulièrement fort, et où la confidentialité du vote ne peut être totalement garantie.

FO ne fera pas la promotion de dispositifs régressifs, et continuera au contraire à se battre pour le rétablissement des CHSCT et des instances de proximité, l’obtention des moyens adaptés aux IRP, une représentation du personnel adaptés aux entreprises de moins de 11 salariés et le rétablissement du principe de faveur dans le cadre de la hiérarchie des normes. » (lire ici)

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Extrait de l’article Les ordonnances travail n’ont pas encore permis un renforcement du dialogue social publié le 12 janvier 2022 dans  L’usine nouvelle, suite à la rencontre des partenaires sociaux avec Mme la ministre du Travail, Elisabeth Borne

Le ministère du Travail, qui reconnaît que « des marges de progrès existent », propose aux partenaires sociaux de les aider à mettre en œuvre les ordonnances travail. Selon les syndicats, la réforme de 2017 a appauvri le dialogue social. Le comité d’évaluation des ordonnances met en garde, lui, contre l’épuisement et le découragement des représentants du personnel

Lundi 10 janvier, les partenaires sociaux étaient reçus au ministère du Travail pour faire le bilan des ordonnances Tavail de septembre 2017. Cette première grande réforme du quinquennat devait « libérer » le travail, notamment en renforçant et simplifiant le dialogue social en entreprise. Mais les syndicats, notamment la CFDT qui avait soutenu la réforme en 2017, voient dans sa mise en œuvre « un recul » ou « une dégradation » (FO) du dialogue social.

Le comité d’évaluation des ordonnances, une structure indépendante co-présidée par deux personnalités, Jean-François Pilliard et Marcel Grignard, constate dans son rapport de décembre 2021, un « épuisement » et un « découragement » des élus du personnel. Dans un document publié à l’issue des rencontres du 10 janvier, le gouvernement, qui n’entend pas revoir sa réforme, reconnaît que «des marges de progrès existent». Il propose des mesures d’accompagnement pour faciliter sa mise en œuvre, comme une formation des élus du personnel, une communication sur les bonnes pratiques de certaines entreprises et une sensibilisation des petites entreprises à l’intérêt de mettre en place une instance représentative.

En 2017, pour « fluidifier » le dialogue social, le gouvernement a choisi de limiter le nombre d’instances représentatives du personnel, devant lesquelles les mêmes sujets étaient parfois abordés. D’alléger le dialogue social en le rendant moins formel, avec moins d’heures de réunion, mais aussi moins d’élus et moins d’heures de délégation. « Les anciennes instances avaient tendance à saucissonner les sujets, l’objectif des ordonnances était d’avoir, dans une instance unique, une vision transversale de tous les sujets de l’entreprise », rappelle l’entourage de la ministre du Travail.

La réforme a donc mis en place une fusion des instances : une seule entité, le comité social et économique (CSE), cumule les fonctions auparavant dévolues au comité d’entreprise, au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), et aux délégués du personnel. C’est là que le bât blesse, selon la CFDT. Pour son secrétaire général Laurent Berger, « les ordonnances devaient rendre le dialogue social plus efficace. La cible a été ratée, ça n’a pas fonctionné ». Seules 20% des créations de CSE (90 000 jusqu’en décembre 2020) se sont faites par accord d’entreprise, la plupart passant par une décision unilatérale de l’employeur, « appliquant les règles a minima », juge Laurent Berger. Les entreprises industrielles sont celles qui se sont le plus converties aux CSE (à 76%), note le comité d’évaluation. 49 000 PV de carence (absence de candidats) ont par ailleurs été dressés, à 85% dans les entreprises de moins de 50 salariés qui n’ont donc pas de représentation des salariés.

Surtout, la fusion des instances s’est traduite par une réduction drastique du nombre d’élus ( d’un tiers selon un bilan de 2018, qui reste à confirmer). Les élus des nouveaux CSE se sont retrouvés avec une charge de travail énorme, et moins de temps pour l’accomplir. Chez Marionnaud, il n’y a plus que 25 élus pour 3000 salariés et 420 magasins, témoigne une militante CFDT, qui parle de la « souffrance » des représentants. Une autre évoque le passage, chez IBM, de 7 comités d’entreprise à 3 CSE entre 2017 et 2018, de 341 mandats électifs à 165. « Le métier d’élu est de plus en plus pointu, il faut gérer l’économique, les conditions de travail, le social, la RSE… On va vers une professionnalisation qui fait peur aux jeunes, car il est difficile d’assumer une carrière professionnelle en même temps », met en garde Hélène Bouix. D’autant qu’une charge accrue pèse sur les CSE : la réforme, en inversant la hiérarchie des normes, a donné sur de nombreux sujets la prépondérance au dialogue social en entreprise sur la négociation dans les branches.

Le comité d’évaluation s’inquiète d’ailleurs d’un éventuel manque de candidats lors des prochianes élections professionnelles – dont beaucoup se tiendront en 2022. D’autant que l’interdiction faite aux suppléants d’assister aux réunions de CSE ne prépare pas la relève. « Avant, les mandats de suppléants, c’était une école de militants, ils se préparaient », témoigne Sylvain Macé, délégué CFDT chez Carrefour. N’ayant pas assisté aux réunions plénières, les suppléants ne connaissent pas les dossiers. Chez IBM, un accord en 2021 les autorise à assister aux réunions du CSE lorsqu’elles se déroulent à distance. La CFDT demande que ce droit soit généralisé par la loi, ou de permettre aux suppléants de participer à deux plénières par an. Et réclame une hausse du nombre d’heures de délégation des élus de CSE. Force ouvrière demande également une augmentation des moyens en temps donnés aux élus.

Deuxième problème constaté sur le terrain : la perte de proximité des élus avec le terrain avec la suppression des délégués du personnel et des CHSCT. Un quart seulement des entreprises dotées d’un CSE ont déployé des représentants de proximité. Dans les entreprises multisites, dans certains établissements, les salariés ne disposent d’aucun représentant pour porter leurs préoccupations individuelles ou de conditions de travail. Par décision unilatérale, la direction de Marionnaud a décidé qu’il n’y en aurait aucun. Chez IBM, « les questions individuelles sont traitées à la fin des CSE, plus ou moins rapidement selon le président de l’instance », note Hélène Bouix.

Disparition de la proximité également avec la fin des CHSCT. Ils ont été remplacés par des commissions santé et sécurité du CSE, sans pouvoir propre, obligatoires uniquement dans les entreprises de plus de 300 salariés. Selon le comité d’évaluation, ces commissions ne couvrent plus que 46% des salariés quand les CHSCT en couvraient 75% en 2017. Les syndicats, eux, pointent la méconnaissance par les élus des CSE des questions parfois très pointues de santé et sécurité au travail. Force ouvrière, comme la CFDT, réclame le retour d’une obligation de la commission santé et sécurité à partir de 50 salariés, seuil de mise en place des CHSCT.

Lors d’une rencontre organisée en décembre par Réalités du dialogue social, Geoffroy Roux de Bézieux, président de Medef, avait salué « la responsabilité » des syndicats pendant la crise Covid. Laurent Berger lui avait répondu que « les entreprises (devront) se rappeler du comportement exemplaire des représentants des salariés ». Début 2022, il en appelle d’ailleurs à la responsabilité des employeurs pour faire vivre une réforme qui a créé de nombreuses souplesses. « La réforme de 2017 a fait une confiance aveugle aux employeurs pour concrétiser les objectifs affichés par les ordonnances, tout en leur donnant les moyens d’y échapper », regrette-t-il. Au ministère du Travail, on invite à laisser le temps à la réforme, percutée par la crise Covid, de se déployer, avant de dresser un bilan définitif.

En 2017, beaucoup de chefs d’entreprise s’étaient réjouis de la réduction du nombre de réunions et d’élus, et de la disparition du pouvoir du CHSCT. Certains reconnaissent aujourd’hui avoir pris conscience, avec la crise Covid, de l’importance pour la bonne marche de l’entreprise d’un bon dialogue social. Beaucoup de CSE seront renouvelés pour la première fois en 2022. Employeurs et salariés pourraient en profiter pour rectifier les dysfonctionnements constatés… (lire ici)

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