(Je reproduis ci-dessous les premières lignes d’un article publié il y a quelques jours dans La Revue de droit du travail, dirigée par Antoine Lyon-Caen (lire ici).
Mon objectif, en écrivant cet article consacrée aux « formations communes syndicats/entreprises », selon la terminologie de Jean-Denis Combrexelle dans son rapport de 2015, La négociation collective, le travail et l’emploi (lire ici), est d’interroger, de façon lucide, la manière dont ce dispositif a été pensé par le législateur, revu par les parlementaires et mis en œuvre par l’INTEFP.
C’est donc une contribution personnelle au travail d’évaluation de cette politique publique, utile et novatrice, mais dont il faut repenser, et rapidement, la conception et l’organisation).

« Proposée dans le rapport de Jean-Denis Combrexelle (2015), inscrite dans la loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016, détaillée dans un cahier des charges publié le 30 juillet 2018 et inscrite dans l’article L.2212-1 du Code du travail, l’idée de « formations communes au dialogue social et à la négociation collective » semble féconde et de bon sens.
Sauf que nulle branche professionnelle ne s’est saisie de ce dispositif ; aucune grande entreprise ne l’a expérimenté ; et le nombre total, en France, entre début 2018 et l’été 2021, de sessions de formations communes (organisées en intra-entreprise ou en interentreprises) ne dépasse pas la douzaine.
Peut-on parler d’échec de ce dispositif, pourtant jugé prometteur ? Cet article s’empêche d’être définitif dans sa conclusion. Une fois la pandémie maitrisée et la reprise économique assurée, ces formations communes peuvent, progressivement, devenir un outil pertinent et adopté par les directions d’entreprises et les élus du personnel. Mais il y a peu de chance que ce dispositif de politique publique, dont il s’inspire, rencontre, en France, dans l’immédiat, le succès qui fut le sien aux États-Unis, au Canada et au Québec, et cela dès les années 1985-1990. Son principe est original et vise l’efficience : former ensemble syndicalistes et employeurs à la négociation collective, pour qu’émergent de cet apprentissage collectif de meilleures pratiques de construction d’accords collectifs, favorisant la production de règles du travail mieux appropriées aux situations socio-productives.
On nous objectera qu’il faut laisser au temps faire son œuvre, dans un pays comme le nôtre, qui « n’aime pas négocier » (Jacquier, 2000), et que la crise sanitaire, depuis le premier confinement du printemps 2020, n’a pu permettre aux partenaires sociaux français d’expérimenter ce dispositif. Certes. Mais l’opportunité de s’en saisir leur est offerte depuis 2016, le cahier des charges de ces formations existe depuis 2018, une offre pédagogique pléthorique est proposée depuis 2019 par l’INTEFP, etc. N’est-il pas judicieux de s’interroger sur la pertinence du dispositif, tel qu’il a été pensé, voté et déployé, et cela dès maintenant, pour modifier sa trajectoire et lui donner une nouvelle chance ?
C’est l’ambition de cet article. Il propose une analyse, celle d’un sociologue qui a pratiqué ces formations communes en situation ultramarine (dès 2008 à Nouméa ; à partir de 2012 à Fort-de-France) et en France hexagonale (dès 2017), après les avoir observées en Amérique du Nord à la fin des années 1990 et tenté de les conceptualiser (Thuderoz, 2018). « Il faut pour s’améliorer et guérir », notait Ferdinand Tönnies (2011), « d’abord connaître les causes du mal. » Cet article mène l’enquête… »

Suite de l’article : lire ici. Article accessible via le catalogue des revues de vos universités.