Martin Richer a publié le 11 juin sur son weblog, Management & RSE, un article (lire ici) intitulé Les enjeux du retour au travail : quatre points d’attention.
L’article commente quatre enjeux majeurs, « que les dirigeants, les managers et les salariés vont devoir affronter dans les mois à venir ». Ce sont : Reconstruire la cohésion du corps social, Prendre en compte les nouvelles aspirations des salariés, Renouer un vrai dialogue social, et Construire et déployer un projet partagé volontariste.
Je reproduis ici, avec l’accord de son auteur, un extrait de cet article, soit sa partie 3, consacrée au dialogue social :
« Le problème français est encore et toujours l’absence de dialogue social », remarque Pierre Cahuc dans Challenges (10 avril 2020). D’autres économistes comme Daniel Cohen ou Philippe Aghion ont relevé que le dialogue social est un atout crucial pour la reprise du travail dans de bonnes conditions sanitaires dans cette période si particulière. Ils ont raison.
Plus que jamais, la qualité du dialogue social est un atout majeur, qui permet d’assurer au plus près de terrain, la conciliation des impératifs sanitaires avec ceux de l’efficacité du travail. Ainsi que le note la déclaration commune du 30 avril du MEDEF, de la CFDT et de la CFTC, « en période de crise plus que jamais, le dialogue social est un levier essentiel pour traiter les sujets au plus près des besoins et trouver les bonnes solutions pour tous. Il joue un rôle prépondérant dans la mise au point des décisions prises par les entreprises pour maintenir ou reprendre leurs activités ».
Le dialogue social d’entreprise permet de générer des prescriptions de travail plus pertinentes, mieux ajustées que ne le peut l’arsenal du ministère du travail, lesté de son protocole national de déconfinement publié le 3 mai et de ses innombrables « fiches conseils métiers », « guides pour les salariés et les employeurs » et « kit de lutte contre le COVID 19. Là où le dialogue social était actif, il s’est renforcé. A mi-mai 2020, 3.000 accords d’entreprises et 11 accords de branches liés à la Covid-19 avaient été signés (sur les primes, la prise des congés payés, l’organisation du travail…), ce qui traduit une certaine dynamique. Ailleurs, des méthodes plus tranchées sont venues combler le vide du dialogue social. Selon l’enquête Technologia-Challenges (mai 2020), près de 20 % des entreprises ont été confrontées depuis le début de la crise sanitaire à l’exercice par leurs salariés d’un « droit de retrait », qui dans la majorité des cas s’est réglé par une modification de l’organisation du travail. « En s’appuyant sur les syndicats et les élus pour adapter l’organisation du travail en temps de crise sanitaire, les employeurs mettent toutes les chances de leur côté pour éviter des contentieux », explique Vincent Roulet, avocat spécialisé en droit social chez Eversheds Sutherland.
Le dialogue interprofessionnel s’est aussi activé. François Asselin, président de la CPME, a ainsi déclaré, de façon plutôt inédite : « La crise sanitaire pousse tous les acteurs sociaux à se mettre autour de la table pour trouver des solutions acceptées par les salariés. Il est impensable qu’un chef d’entreprise décide tout seul en cette période troublée. Il se retrouverait isolé pour redémarrer son activité ». Le dialogue social entre syndicats, patronat et gouvernement, jadis perçu comme un frein pour réformer le pays, fait un retour en force : « Nous ne nous sommes jamais autant parlé », avance François Hommeril, secrétaire général de la CFE-CGC. Alors que le président de la République avait montré une certaine propension à ignorer les partenaires sociaux dans la première moitié de son mandat, Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont reçu les organisations patronales et syndicales le 4 juin pour une réunion consacrée au sauvetage de l’apprentissage. Emmanuel Macron a annoncé aux partenaires sociaux que pas moins de quatre concertations vont se dérouler entre mi-juin et début juillet sur des dossiers majeurs : suite du dispositif d’activité partielle, emploi des jeunes, adaptation des compétences, assurance chômage. Le lendemain, 5 juin, s’est ouverte en visioconférence la concertation sur le télétravail. Certes, on se garde bien de parler de “négociation” mais seulement de concertation et de dialogue ; certes la France n’est pas l’Europe du Nord (au Danemark, durant la période de confinement en 2020, syndicats et patronat se sont accordés pour réduire les congés payés, une option qui était rejetée au même moment par 72 % des Français, selon un sondage Odoxa publié le 2 avril par « Challenges »). Mais c’est une avancée…