(Je reproduis ci-dessous, sans les graphiques et les tableaux, le contenu du n° 33 de la publication DARES-Résultats rédigée par Mathilde Pesenti et consacrée au bilan de la négociation collective en France, à partir de l’enquête annuelle ACEMO (voir l’encadré en fin de ce billet de blog). Je reviendrai, dans un prochain billet de blog sur quelques unes de ces données, saisies sur longue période.
Pour lire l’intégralité de cette publication et visualiser les graphiques et les tableaux, cliquer ici.)

En 2020, 16,6 % des entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé non agricole ont engagé une négociation collective à leur niveau, à celui d’un de leurs établissements, de l’unité économique et sociale ou du groupe dont elles relèvent, soit 0,6 point de moins qu’en 2019.
Elles emploient 61,7 % des salariés de ce champ. 81,2 % des négociations ont abouti à un accord ou un avenant, soit un taux d’aboutissement en baisse de 5,1 points sur un an. Le thème salarial reste le premier abordé, par 9,4 % des entreprises, suivi du temps de travail (6,1 %).
Avec la crise, les négociations sur les conditions de travail sont plus fréquentes et le taux d’aboutissement des entreprises dépourvues d’instances représentatives du personnel est en forte hausse. Parmi les entreprises n’ayant pas ouvert de négociation, 54,1 % appliquent directement une convention de branche et 22,0 % n’ont pas d’interlocuteur pour formaliser le dialogue social par la négociation.
Légère baisse du taux de négociation
En 2020, 16,6 % des entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé non agricole ont mené au moins une négociation collective , soit un repli de 0,6 point par rapport à 2019. Depuis 2012, ce taux évolue entre 14,7 % et 17,2 %, avec une moyenne de 15,9 % (graphique 1). En 2020, il est supérieur de 0,4 point à celui de 2012, alors que la part de salariés concernés par des négociations diminue de 1,9 point sur la période.
En 2020, les entreprises qui ont ouvert une négociation collective emploient 61,7 % des salariés du champ concerné (tableau 1). La propension à négocier, à englober une structure qui négocie, ou à faire partie d’une structure qui négocie est très élevée dans les entreprises pourvues d’au moins un délégué syndical (87,6 %) mais en baisse sur un an (-0,6 point). Les délégués syndicaux sont par ailleurs moins présents parmi l’ensemble des entreprises du champ (9,3 %, contre 10,1 % en 2019).
Au contraire, la propension à négocier des entreprises qui ne disposent que d’élus, bien que nettement plus réduite (22,9 % en 2020), est en hausse de 0,4 point sur un an et de 5,1 points par rapport à 2018.
Des négociations aboutissant moins fréquemment à un accord
En 2020, 81,2 % des entreprises ayant négocié ont conclu au moins un accord ou un avenant (tableau 1), en baisse de 5,1 points par rapport à 2019 (+1 point par rapport à 2018). Comparativement à la moyenne, les entreprises pourvues d’instances représentatives ont davantage abouti dans leur
négociation. Leur taux d’aboutissement diminue toutefois sur un an : -6,4 points en présence de délégués syndicaux, -4,4 points avec des élus seuls. À l’inverse, il augmente nettement pour les entreprises dépourvues d’instances représentatives du personnel : + 7 points. Par ailleurs, ce taux croît avec la taille de l’entreprise : il est de 77,3 % pour celles employant entre 10 et 49 salariés, contre 91,6 % de celles de 500 salariés ou plus.
En 2020, 92,0 % des entreprises ayant négocié, représentant 84,7 % des salariés, sont pourvues d’un comité social et économique (CSE) 3 . C’est respectivement 13 et 12 points de plus qu’en 2019, ce qui illustre la diffusion des CSE, dont la mise en place devait avoir lieu avant le 31 décembre 2019.
Des thèmes marqués par la crise du Covid-19
En 2020, les salaires restent le thème le plus fréquemment abordé dans les négociations, 9,4 % des entreprises employant 49,4 % des salariés étant concernées (tableau 2). Le temps de travail, traité par 6,1 % des entreprises, se hisse à la seconde place. Les conditions de travail sont plus souvent abordées que les années précédentes, par 5,1 % des entreprises (+1,2 point sur un an). Ceci reflète la nécessaire adaptation de l’organisation des entreprises au contexte de crise sanitaire. L’emploi fait aussi davantage l’objet de négociations et d’accords qu’en 2019. Le taux d’aboutissement sur ce thème augmente de 8,8 points, pour atteindre 71,6 %
À l’opposé, le thème de la protection sociale est en nette baisse sur un an (-4,9 points). Les accords sur ce sujet étaient alimentés en 2019 par la réforme du 100 % santé et devaient être mis en conformité avant le 1 er janvier 2020. Ce dispositif a désormais achevé sa montée en charge. Par ailleurs, c’est toujours dans le domaine salarial que la présence de délégués syndicaux a l’influence la plus décisive sur la tenue de négociations : 84,9 % des entreprises qui en sont pourvues ont négocié sur ce thème en 2020, contre 34,3 % de celles ne disposant que d’élus (tableau 3).
L’application directe des accords de branche, première raison de ne pas négocier
La première raison avancée pour expliquer l’absence de négociation reste comme les années précédentes l’application directe d’une convention collective de branche (54,1 % des entreprises n’ayant pas négocié, tableau B en ligne). L’absence d’interlocuteur du côté des salariés est un motif avancé par 22,0 % des entreprises, devant le sentiment d’inutilité d’une négociation (20,2 %).
Le thème salarial domine les accords de groupe
13,0 % des entreprises appartenant à un groupe (soit un quart des entreprises du champ) sont concernées en 2020 par des négociations de groupe (-0,2 point par rapport à 2019), et 59,8 % d’entre elles également par des négociations d’entreprise. Dans 9,6 % de cas, les négociations ont abouti dans l’année à un ou plusieurs accord(s) de groupe, soit 0,7 point de plus qu’en 2019. Le thème des salaires et des primes domine dans les accords de groupe4 (30,9 % en 2020, graphique 2), malgré une baisse de 8,7 points sur un an (39,6 % en 2019). Le temps de travail est davantage abordé au niveau du groupe qu’en 2019 : +2,3 points (10,5 % des accords de groupe).
En 2020, 70,0 % des entreprises ayant connu au moins un conflit du travail quelle que soit sa forme ont engagé des négociations. C’est le cas de 72,2 % de celles déclarant une grève et 68,4 % de celles qui ont connu une autre forme de conflit, contre seulement 15,7 % des entreprises n’ayant connu ni conflit ni grève (graphique 3). Il est toutefois impossible d’établir le caractère consécutif entre négociation et conflictualité. La capacité de négociation comme celle de mobilisation des salariés supposent en effet la présence d’interlocuteurs, tels que les syndicats, en mesure de mener des négociations, et à même d’organiser collectivement les salariés.
Encadré : L’enquête sur le dialogue social en entreprise
L’enquête annuelle sur le Dialogue social en entreprise (DSE) est réalisée depuis 2006 par la Dares, dans le cadre du dispositif Acemo (activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre). Les éléments présentés ici sont issus de l’enquête réalisée courant 2021 sur l’année 2020.
Cette enquête porte sur un échantillon représentatif des 245 000 entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé non agricole en France (hors Mayotte), qui emploient 15,0 millions de salariés. Les résultats proviennent des 11 349 entreprises ayant fourni des réponses exploitables.
L’enquête permet un suivi annuel des relations professionnelles au niveau de l’entreprise définie comme unité légale et identifiée par un seul numéro Siren. Elle renseigne sur les instances représentatives du personnel présentes dans les entreprises, l’existence de négociations collectives et la signature d’accords.