Suite à la publication du Rapport 2021 du Comité d’évaluation des ordonnances (lire ici l’intégralité du rapport et ici sa synthèse), Mme Elizabeth Borne, ministre du Travail, a réuni le 10 janvier 2022 les organisations syndicales et patronales pour discuter d’un « Plan d’accompagnement à la mise en œuvre des ordonnances » (lire ici).

Le constat de la DGT, la direction générale du travail, à propos des effets de ces ordonnances de 2017 est lucide : « Un bilan qui démontre que les ordonnances travail ont bien enclenché une dynamique positive quantitativement visible (nombre de CSE mis en place, montée en puissance de la
négociation collective de branche et en entreprise), mais que des marges de progrès existent dans l’appropriation par les entreprises et les partenaires sociaux de la boite à outils des ordonnances. »
Les « grands axes identifiés » par le ministère du Travail pour rendre effectives et appropriées ces réformes de 2017 sont les suivants : 1) Renforcement de la formation et valorisation des parcours syndicaux ; 2) Accompagnement à la mise en place des CSE et appropriation des outils de réorganisation des systèmes de représentation dans l’entreprise ; et 3) Montée en puissance de la négociation collective, particulièrement dans les TPE.
Concernant ce dernier point – l’appui à la négociation collective, notamment dans les TPE-PME – la DGT propose diverses actions. Je commente rapidement certaines d’entre elles :
- Mobiliser les ODDS, les Observatoires départementaux du dialogue social
La note utilise l’expression « faire monter en puissance les ODDS ». Intention louable. Cela suppose que des ressources soient allouées à ces observatoires (budgétaires, notamment, mais aussi documentaires) et que leurs membres puissent travailler en réseau (avec d’autres ODDS dans une région donnée), définir leurs priorités et se doter d’un agenda. Cinq ans après leur création par les Ordonnances sur le travail de septembre 2017, il est temps de leur donner les moyens de remplir leurs missions (il n’est jamais trop tard pour bien faire…).
- Outiller les négociateurs en mettant à leur disposition des outils d’aide à la négociation collective (via l’ANACT)
Je ne peux qu’applaudir… Je me rappelle un rendez-vous au ministère du travail, fin juillet 2017, avec Claire Scotton, à l’époque directrice-adjointe du cabinet de Mme Muriel Pénicaud. Je souhaitais, alors que s’écrivaient les ordonnances sur le Travail, rappeler aux conseillers de la ministre qu’il convenait d’articuler trois dispositifs, pour ne pas faire le travail à moitié : un, les formations communes à la négociation collective (et non pas « au dialogue social », comme cela commençait à s’écrire…) ; deux, l’outillage pratique des négociateurs d’entreprise, avec des check-lists, des vade-mecum, des guides pratiques, etc. ; et trois, un suivi et un accompagnement de ces négociateurs, via des retours d’expérience et des clusters de négociateurs d’entreprise, etc. Je fus écouté, puis on me remercia. Le temps passa. La DGT y vient. Il n’est jamais trop tard pour bien faire…
- Valoriser les accords innovants
Excellente initiative : la preuve par l’exemple ! Renvoyer les négociateurs en recherche d’idées et de modèle d’accords à la base d’accords Légifrance ne suffit pas ; quiconque a tenté de rechercher des accords s’est heurté aux mêmes problèmes : l’outil est lourd, peu maniable, peu intuitif. Il faut imaginer une base spécifique, avec une indexation intelligente et des accords assortis de récits d’expérience…
- Mieux connaitre les pratiques de négociation collective dans les entreprises de moins de 11 salariés
La note de la DGT dit qu’une étude en ce sens sera confiée à une équipe universitaire. Pourquoi pas ? Mais rien n’interdit, en parallèle, de demander à des cabinets d’étude spécialisées, petits ou grands, de réaliser des « enquêtes-flash » auprès de centaines de PME ayant expérimenté les référendums aux 2/3 ou les accords signés par les élus du CSE… C’est en multipliant ce type d’études, sur courte durée et centrées sur quelques questions pratiques, que nous aurons une meilleure connaissance de ce qui se fait dans ces PME-TPE (et non via un rapport de 300 pages rédigé par quelques chercheurs découvrant le sujet en le traitant…).
