Certaines évènements, qu’ils soient annuels, mensuels ou hebdomadaires, sont rituels ; et le public auxquels ils sont destinés les attendent avec impatience : ce fut Thalassa, l’émission de télévision animée par George Pernoud, ou celle de Bernard Pivot, Apostrophe ; ce sont le dernier numéro de Beaux-arts Magazine ou de la revue Esprit, le catalogue d’Ikea, la sortie publique du Petit Paumé place Bellecour à Lyon (mais qui n’aura pas lieu en 2021, crise sanitaire oblige) ; ou encore : la publication, par la DGT et la DARES, du Bilan annuel de la négociation collective…
L’édition 2021, portant sur les accords et textes déposés en 2020 dans les pôles Travail des nouvelles DREETS (les directions régionales de l’économie, emploi, travail et des solidarités, remplaçant les anciennes Direccte), a été mise en ligne il y a quelques jours (lire ici le document complet ; lire ici le quatre-pages).
Quatre parties (« Aperçu de la négociation collective en 2020 » ; « Le contexte de la négociation collective » ; « La négociation collective en 2020 » ; et « Les dossiers »), six dossiers thématiques et 473 pages composent l’ouvrage. La partie 1 abrite les commentaires des organisations syndicales et patronales. Pour cette édition 2021, de nombreux tableaux, encadrés et graphiques ont été ajoutés. La mise en page s’éclaircit ; et la lectrice peut naviguer à sa guise dans le document, à partir de la table des matières, interactive. Beau travail !
Nous reproduisons ci-dessous l’Avant-propos de Pierre Ramain, directeur général du travail. D’autres billets de blog, publiés tout au long de cet été 2021, proposeront des lectures critiques, des comparaisons sur une dizaine ou vingtaine d’années, des jugements personnels, des analyses statistiques, etc., de ce Bilan 2020.
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« Le bilan de la négociation collective en 2020 est celui d’une année pas comme les autres, loin s’en faut. Notre pays, comme ses voisins lointains ou proches, a traversé et traverse encore une crise sanitaire d’ampleur inédite qui bouleverse, outre notre savoir-vivre, des pans entiers de notre économie et dont les conséquences sur les salariés et les employeurs de la grande majorité des secteurs d’activité sont particulièrement lourdes.
Bien naturellement, cette situation exceptionnelle a eu également un impact sur le dialogue social. En 2020, la tendance haussière constatée en matière de négociation de branche depuis 2016 et en matière de négociation d’entreprise depuis 2018 s’est interrompue.
959 accords de branche et 76 650 accords d’entreprise ont été conclus. En 2020, nous n’atteignons pas le niveau record de 2019, mais le volume d’accords conclus n’en reste pas moins remarquable, compte tenu des conditions dans lesquelles les partenaires sociaux ont négocié. Les accords de branche ne franchissent pas la barre des 1 000 mais en sont tout proches et si le volume d’accords d’entreprise en 2020 est inférieur à 2019, il s’établit au dessus de celui de 2018, signe que la tendance de fond est toujours à la progression. Enfin, deux accords nationaux interprofessionnels (ANI) majeurs ont été conclus le 26 novembre 2020 sur le télétravail et le 20 décembre sur la santé au travail, rappelant l’importance de ce niveau de négociation.
Le dialogue social a également joué un rôle incontournable dans la gestion de la crise. Avec plus de 70 accords de branche conclus spécifiquement pour faire face aux conséquences de l’épidémie de la Covid-19, 49 accords de branche portant sur l’activité partielle de longue durée (APLD) et plus de 10 000 accords d’entreprise, la négociation collective a constitué un puissant levier pour faciliter la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences sur l’organisation du travail et sur l’emploi.
Ainsi, alors qu’on pouvait craindre que la crise sanitaire entraîne un confinement du dialogue social, c’est tout le contraire que nous avons observé.
Le dynamisme de l’activité conventionnelle, en dépit des circonstances, s’explique tout d’abord par l’adaptation du cadre juridique de la négociation collective et par les mesures d’urgence mises en place dès le mois de mars 2020. Les modalités de négociation, de signature et de dépôt ont été aménagées pour l’ensemble des accords collectifs de branche comme d’entreprise et les délais de la procédure d’extension raccourcis pour permettre une mise en œuvre rapide des mesures décidées par les partenaires sociaux pour faire face à cette situation inédite.
Pour accompagner ce mouvement, les services déconcentrés, notamment à travers en premier lieu l’action quotidienne des agents de contrôle de l’inspection du travail, mais également l’animation des observatoires départementaux du dialogue social, l’Agence nationale des conditions de travail (Anact) et son réseau se sont mobilisés au service des employeurs et des salariés pour les aider à faire face dans ce contexte exceptionnel. Les actions mises en place au plus près du terrain ont permis aux acteurs de la négociation collective de maintenir, en l’adaptant, le dialogue social au sein de leurs instances afin notamment de pouvoir mobiliser les dispositifs de réponse aux conséquences économiques et sociales de l’épidémie. L’accompagnement des acteurs de l’entreprise ne s’est toutefois pas limité aux réponses de crise. En 2020, les entreprises ont pu continuer à mettre en place leur comité social économique (CSE) et leur Index de l’égalité professionnelle, accompagnées dans leurs démarches par les services de l’État.
La négociation collective a par ailleurs et surtout été au cœur des réponses apportées à la crise sanitaire, à travers notamment le dispositif mis en place par l’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, mobilisable uniquement par accord collectif et, plus tard au cours de l’année 2020, le dispositif d’APLD, également mobilisable uniquement par accord collectif de branche ou d’entreprise. Signe qu’urgence et concertation ne sont pas incompatibles, une vingtaine d’accords de branche et près de 6 000 accords d’entreprise ayant pour objet de faire face aux conséquences de la crise sanitaire avaient déjà été conclus au 15 juin 2020.
L’année 2020 ne se résume pas uniquement au dialogue social de crise, même si celle-ci a évidemment eu un impact sur l’agenda de négociation des partenaires sociaux dans les branches comme dans les entreprises. Ceux-ci ont en effet été conduits à dégager du temps de négociation pour aborder les sujets liés à la crise et le calendrier des négociations obligatoires en a été très souvent décalé. Cette révision des priorités, associée aux difficultés économiques rencontrées par certains secteurs d’activité, a eu un impact direct sur les négociations salariales de branche qui ont eu plus de difficultés à se tenir et à aboutir. Ainsi, la négociation sur les salaires a drastiquement diminué en 2020 avec une baisse de 38 % des avenants salariaux conclus par rapport à 2019.
Concernant les autres thématiques abordées par les branches, dans la continuité de l’année 2019, 2020 a fait la part belle à la formation professionnelle avec notamment la poursuite des négociations sur les dispositifs issus de la loi du 5 septembre 2018 dont celui de promotion et reconversion par l’alternance (Pro-A), utilement mobilisé dans le contexte de crise. Les négociations sur les questions d’égalité professionnelle et de protection sociale complémentaire se sont également poursuivies en 2020. Enfin, les négociations sur le temps et les conditions de travail ont été naturellement privilégiées par les partenaires sociaux en réponse à la crise.
Si la crise sanitaire a freiné l’avancée du chantier de la restructuration des branches professionnelles relancé en 2015, il s’est néanmoins poursuivi tout au long de l’année 2020 avec la conclusion de plusieurs accords de fusion. L’engagement de la phase 3 du chantier, qui doit au préalable faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux, a été repoussé compte tenu des contraintes fortes pesant sur l’agenda social. La réduction du nombre de branches professionnelles demeure toutefois un objectif important pour rationaliser un paysage conventionnel encore trop éclaté.
En 2020, en dépit des difficultés auxquelles elles ont été confrontées, les entreprises, aussi et surtout, ont maintenu un dialogue social dynamique, particulièrement les plus petites d’entre elles. Si au global le volume d’accords conclus est en légère baisse, la négociation au sein des entreprises de moins de 50 salariés s’est accrue malgré la pandémie.
Ces nouveaux acteurs du dialogue social ont pu, cette année encore, se saisir des possibilités qui leur sont offertes pour adapter au plus près des besoins et des réalités du terrain les normes légales ou conventionnelles.
À l’aube d’un nouveau cycle de représentativité, le bilan de la négociation collective en 2020 s’avère un indicateur très positif de l’état du dialogue social en France. En dépit du contexte sanitaire peu favorable, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics ont de nouveau montré, en cette année si particulière, leur profond attachement à ce mode de détermination des relations entre employeurs et salariés.
Les partenaires sociaux ont redoublé de détermination pour négocier malgré tout, montrant leur entière capacité d’adaptation et leur réactivité lorsqu’il s’est agi de prendre rapidement des mesures d’urgence.
Partageant la même conviction que le dialogue permet de trouver des solutions adaptées à chaque situation, les pouvoirs publics ont fait le choix de laisser aux acteurs de la négociation collective la responsabilité de déterminer la meilleure voie pour répondre à la crise. Le volume et la qualité des accords conclus témoignent que le pari est gagné et que la vitalité des relations collectives, en temps normal ou de crise, reste intacte. »
Pierre Ramain, Directeur général du travail
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Prochain billet, dans quelques jours, à propos de ce « Bilan 2020 de la négociation collective » : Des chiffres et des êtres…
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