La négociation collective sectorielle entre les syndicats et les organisations patronales reste le principal niveau de définition des rémunérations et des conditions de travail en Allemagne. Les accords séparés faisant intervenir les syndicats et les entreprises individuelles sont rares, bien qu’il existe quelques exceptions telles que l’accord relatif au constructeur automobile Volkswagen.
Cette particularité a toujours été considérée comme l’une des forces du système allemand. En principe, il limite les conflits sectoriels sur les salaires et les conditions de travail aux syndicats et aux organisations patronales, tandis qu’au niveau du lieu de travail, les employeurs et les représentants des travailleurs – les comités d’entreprise – peuvent développer des relations plus coopératives.
Selon les statistiques de l’IAB, l’institut de recherche gouvernemental allemand, 61 % des travailleurs de l’ancienne Allemagne de l’Ouest sont couverts par des conventions collectives, dont 54 % ont été signées au niveau sectoriel et 7 % au niveau de l’entreprise (2011). Dans l’ancienne Allemagne de l’Est, le chiffre global est plus faible : 49 % des travailleurs sont couverts par un accord, dont seulement 37 % sont régis par des accords sectoriels et 12 % par des conventions d’entreprise. Ces chiffres ne reflètent toutefois pas le poids réel des conventions collectives : la moitié des travailleurs qu’elles ne couvrent pas directement sont en effet employés par des entreprises affirmant en tenir compte dans la définition des conditions de travail de leur personnel. La population active totalisant 29,6 millions de personnes dans l’ancienne Allemagne de l’Ouest (y compris Berlin) et 5,5 millions dans l’ancienne Allemagne de l’Est, 59 % des travailleurs du pays sont directement couverts par des conventions collectives.
Les conventions sectorielles sont généralement conclues au niveau régional. On observe donc de légères différences entre les régions. Cependant, les principales clauses des conventions, notamment le montant des augmentations salariales, sont habituellement identiques dans toutes les régions. L’ancienne Allemagne de l’Est fait exception à la règle : les salaires et/ou les conditions de travail y restent souvent moins avantageuses que dans le reste du pays.(…)
Les comités d’entreprise ne sont pas autorisés à conclure des conventions collectives. Toutefois, ils peuvent signer des accords avec des employeurs individuels sur des questions non couvertes par la convention collective, ainsi que sur les modalités d’application pratique de celle-ci. C’est de plus en plus fréquent, car les conventions collectives laissent une plus grande latitude aux négociateurs locaux, le plus souvent au travers des « clauses introductives », qui permettent la conclusion d’accords tenant compte des circonstances spécifiques de l’entreprise. Un accord conclu en 2010 dans la métallurgie a par exemple autorisé que les augmentations de salaires de 2011 soient avancées ou reportées de deux mois selon la situation financière de l’entreprise. (…)
Beaucoup d’employeurs sont favorables à ce type d’aménagements. S’y ajoute le départ de certains dirigeants d’entreprise des organisations patronales. Conséquence : le système allemand de négociations sectorielles est mis à rude épreuve. Dans un certain nombre de secteurs, c’est aujourd’hui l’État qui fixe les salaires minima.
Il n’y a normalement pas de négociations au niveau national entre le DGB et les employeurs.
Les négociations sont conduites par les syndicats et les organisations patronales. Les conventions sont contraignantes pour les membres des syndicats (dans la pratique, tous les travailleurs) et des organisations patronales signataires. (…)
Des mécanismes légaux permettent d’étendre les conventions collectives à tous les employeurs d’un secteur. Les règles d’extension ont toutefois subi des modifications importantes au cours des dernières années. Depuis plus de 60 ans, il est possible de rendre les accords contraignants pour l’ensemble du secteur concerné. Jusqu’à récemment, cette possibilité était cependant soumise à plusieurs conditions. En particulier, l’accord devait couvrir au moins 50 % des travailleurs du secteur et la demande d’extension devait émaner à la fois des employeurs et du syndicat. Avec le recul des taux de couverture, le mécanisme a été moins fréquemment utilisé : début 2013, seulement 506 des 68 000 conventions collectives enregistrées (0,9%) ont été étendues à l’ensemble des secteurs concernés selon cette procédure.
Depuis la fin des années 90, la législation permet de fixer par d’autres biais des salaires minima contraignants pour certains secteurs. L’un des objectifs du législateur était de lutter contre les bas salaires souvent versés par les entreprises étrangères à leurs ressortissants travaillant en Allemagne. La loi autorise le Ministre du travail à étendre les conventions collectives qui ne couvrent pas 50 % des travailleurs d’un secteur et à fixer des salaires minima dans les secteurs auxquels ne s’applique aucune convention collective si une commission ad hoc le juge nécessaire. Cette procédure a permis d’instaurer des salaires minima dans plusieurs secteurs clés, comme la construction, les services postaux, l’industrie du nettoyage et le ramassage des ordures.
Dans le passé, la plupart des entreprises appliquaient les accords négociés, qu’elles aient appartenu ou non à l’organisation patronale signataire. Mais de plus en plus d’employeurs n’adhèrent pas aux organisations patronales, ou les quittent pour pouvoir verser des salaires inférieurs à ceux fixés dans les conventions collectives. C’est un phénomène très courant dans l’ancienne Allemagne de l’Est, où le taux de couverture des négociations collectives est moindre, comme le montrent les statistiques de l’IAB.
Les négociations ont lieu tout au long de l’année. Les accords salariaux sont généralement signés pour un à deux ans. Les conventions relatives à d’autres sujets ont une durée de validité plus longue (cinq ans ou plus). Certaines restent valables jusqu’à ce que l’une des parties en demande la renégociation (elle doit alors en informer l’autre partie en respectant le délai de préavis applicable).
En Allemagne, les conventions collectives portent sur un large éventail de questions. Outre les salaires, elle s’intéresse aussi à la rémunération du travail en service continu, aux échelles barémiques, au temps de travail, au traitement des travailleurs à temps partiel ou encore à la formation.
(Tiré de L. Fulton, 2013, La représentation des travailleurs en Europe, Labour Research Department et ETUI)