« Que sait-on du travail ? » Parution de l’ouvrage aux Presses de Sciences Po…

Le « projet de médiation scientifique », intitulé Que sait-on du travail ?, lancé en mai 2023 par le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp) de Sciences Po, après la publication, au fil des semaines depuis juin 2023, dans le journal Le Monde, partenaire de l’opération, des contributions de la soixantaine de chercheurs réunis dans ce cadre, est maintenant disponible dans un ouvrage publié fin octobre aux Presses de Sciences Po.

Pour lire les contributions publiées au fil de l’eau par Le Monde, cliquer ici. Pour lire le sommaire de l’ouvrage et cliquer sur les liens vers chacune des contributions, mises en ligne sur le site web du Liepp, cliquer ici

L’ouvrage, sur le site du laboratoire Liepp de Sciences Po, est ainsi présenté : « À l’occasion du projet de réforme des retraites de 2023, la question du travail est devenue centrale dans le débat public. Même s’il a le plus souvent été négligé auparavant par les médias et les autorités (y compris lors de la préparation de cette réforme des retraites), le travail en France a fait l’objet de nombreuses recherches en sciences sociales, qui permettent de documenter de façon précise ce que nous savons en matière de qualité de vie au travail, de conditions de travail, de pénibilité, d’organisation du travail, de management, de démocratie au travail, de normes de genre, de discriminations, des frontières entre travail et hors travail, de formation professionnelle, des évolutions de carrières, de la transition vers la retraite et le cumul emploi-retraite, des différences de situation des travailleuses et travailleurs, jeunes ou âgées, qualifiés ou non qualifiés, dans différents secteurs de l’économie ou selon différents statuts. Cette série de textes ne prétend pas couvrir tous les aspects de la question du travail mais rendre disponible dans un format accessible les résultats de plusieurs travaux de sciences sociales (économie, gestion, sociologie, science politique…) concernant la situation du travail en France. »

On ne peut qu’applaudir à ce projet – et à l’ouvrage qui  vient de paraître –, le faire des deux mains, et lui souhaiter bon vent dans les librairies. 608 pages, une soixantaine de contributeurs, une trentaine de textes, mais assez courts, et autant de thématiques traitées : l’ouvrage fera date, dit-on quand ce type d’ouvrage est publié, et je le dis donc ici : l’ouvrage fera date… Les éditions La Découverte nous avait accoutumé, depuis une vingtaine d’années, à la publication d’ouvrages  de recherche dont le titre pour une thématique donnée, indiquait : état des savoirs. Le projet du Liepp et l’ouvrage qui en est le produit, Que sait-on du travail ?,  coordonné par Bruno Palier, s’apparente à ce type de démarche : faire le point, en multipliant les regards et les disciplines, sur ce que l’on sait, ce qu’on a toujours su mais qui a été oublié, ce qu’on sait un peu moins mais qu’on devine important, ce que l’on devrait savoir, etc.

Les thématiques traitées sont plurielles ; elles ont été regroupées en cinq grandes parties, dont voici les titres : « Conditions de travail, santé au travail et sens du travail : une situation dégradée » ; « Management et organisation du travail en France : la verticalité distante » ; « Les effets de la digitalisation sur le travail » ; « Les défis des inégalités et des discriminations » ; « Au cœur des métiers essentiels : un déficit de reconnaissance ». On le constate : ce sont là des thématiques arrimées au réel du travail ; et il est en effet utile, pour chacune d’elles, de livrer des statistiques, décrire des situations, citer des travaux universitaires, prendre position, etc., pour que ce travail, dont on nous dit, à juste titre, qu’il est en crise ou qu’il n’a plus de sens, etc., puisse être mis, et durablement, au centre de l’agenda politique et médiatique, tant il occupe une grande part de nos vies, et que ce travail, comme l’écrivait Pierre Naville dans le Traité de sociologie du travail qu’il avait coordonné avec Georges Friedmann, publié en 1962, « est le mode social le plus profond de persévérance dans l’être » – pour parler comme Spinoza – puisque sans lui, affirmait Naville, « ni production, ni reproduction, ni surtout élargissement des moyens de vivre ne sont concevables. »

Je reviendrais, dans un prochain billet de blog, sur certaines contributions de cet ouvrage, pour les commenter, en particulier celles (trop rares !) qui abordent les questions du dialogue social et de la négociation collective dans les branches professionnelles. Car, de ce point de vue, cet ouvrage collectif oublie, ou néglige, un aspect pourtant fondamental pour la connaissance du travail dans la France contemporaine : les relations collectives de travail. Le travail est un rapport social, et ce rapport est à la fois codifié par des règles (les lois sociales, le Code du travail, etc.) et « travaillé » par des acteurs sociaux (employeurs, salariés et gouvernants) aux intérêts et aux points de vue différents mais qui, pour les raisons qui sont les leurs et parce que chacun détient une part de l’accès aux ressources que l’autre tente d’obtenir, coopèrent néanmoins – même si cette coopération est conflictuelle – et savent nouer des compromis pragmatiques qui prennent la forme d’accords collectifs et dont la DGT, au ministère du travail, recense chaque année le nombre, les thèmes, les signataires, etc.

Rappelons que la négociation collective ne porte que sur le travail ; les accords collectifs concernent en effet : le temps de travail, le télé-travail, l’organisation du travail,  la rémunération du travail, la santé au travail, etc. Traiter la question du travail ne peut être disjoint de la régulation sociale de ce travail, qui est, fondamentalement, une régulation conjointe, que celle-ci s’opère dans l’entreprise, dans la branche, dans un service hospitalier ou une collectivité locale.

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