L’avènement d’un modèle de dialogue social ? Tel est le titre du colloque organisé hier et aujourd’hui par Frédéric Géa, professeur des universités en droit social, chercheur à l’Institut François Gény, université de Lorraine et responsable du programme de recherches ANR sur « L’avenir du droit du travail », avec Anne Stévenot, professeur des universités en sciences de gestion, chercheure au CEREFIGE, université de Lorraine.
« Ce colloque a été conçu », indique la plaquette de présentation, « comme authentiquement interdisciplinaire. Ont été ainsi réunis pas mois de quarante participants parmi les meilleurs spécialistes du dialogue social dans les domaines du droit, des sciences de gestion, de l’économie, de la sociologie et de la science politique. Loin de se faire se succéder des monologues, ces deux journées privilégieront une méthode privilégiant l’interaction entre les différents protagonistes. Un dialogue véritable, donc. »
Pourquoi ce colloque, et pourquoi ce billet de blog ?
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Le colloque. Cette plaquette présente ainsi le questionnement des organisateurs :
« Dialogue social » : voilà un des maîtres-mots des réformes du droit du travail. Si le concept n’est pas nouveau, il n’a cessé d’être invoqué par les pouvoirs publics ces dernières années. N’y aurait-il là qu’une illusion, voire une mystification ?
Ce serait en sous-estimer la force intrinsèque, les potentialités, et, plus fondamentalement, la prétention paradigmatique. Ne convient-il pas, aujourd’hui, de prendre au sérieux cette idée en cherchant à cerner les contours du modèle qu’elle esquisse et à évaluer dans quelle mesure celui-ci contribue à renouveler notre droit du travail et notre modèle de relations professionnelles ?
En quoi ce modèle consiste-t-il ? Tell est l’interrogation qui traversera la première journée du colloque. Que signifie en effet cette référence au dialogue ? D’où vient-elle et qu’implique-t-elle ? Quelles conceptions se fait-on du dialogue social ? Quelles en sont les figures et les visages ? De ce modèle, quels sont – et/ou quels doivent être – les acteurs ? Quelle place les syndicats s’y voient-ils réservés ?
Assurément, un tel modèle mérite d’être pensé pour lui-même. S’il relève du registre des représentations, son accomplissement se joue sur un autre terrain : celui de l’action. Appréhender ce modèle de dialogue social implique aussi, dès lors, d’en saisir les concrétisations dans une perspective pragmatique. D’où une seconde interrogation majeure, qui irriguera la seconde journée : de ce modèle, quelles sont les dynamiques ?
Pour le savoir, il faut regarder dans plusieurs directions. Quelles sont les transformations à l’œuvre s’agissant de la représentation des salariés ? La négociation collective se révèle-t-elle (vraiment) heuristique, créative, en particulier au niveau de l’entreprise ? La réalité de ce modèle ne s’appréhende qu’à l’aune de son appropriation par les acteurs, de son aptitude à affronter les défis de notre temps, ainsi que de sa capacité à se régénérer. C’est qu’ici réalité rime avec réalité. »
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Le billet de blog. Pourquoi s’interroger sur / s’intéresser à la notion de « dialogue social », et pourquoi le faire aujourd’hui ?
Il y a d’abord les deux arguments avancés par Frédéric Géa et Anne Stévenot : prendre au sérieux ce « dialogue social » en le questionnant comme un « modèle », susceptible de renouveler le droit français du travail et les relations collectives de travail ; et examiner, concrètement, comment ce « modèle de dialogue social » est saisi, pensé, vécu et approprié par les acteurs sociaux.
D’autres questionnements, complémentaires, peuvent s’ajouter. Parmi ceux-ci :
- Parler de « dialogue social » est-il pertinent quand sa définition (non officielle) par l’OIT, l’organisation internationale du travail, fait état d’activités aussi différentes dans leur contenu et leur fonctionnalité que « négociation collective », « consultation / concertation » et « échange d’informations » ?
- Pourquoi l’expression « dialogue social », inconnue en France jusqu’au début des années 1980, est aujourd’hui florissante, au point qu’elle remplace, en 2021, dans les discours et les textes de loi, la notion, séculaire elle, de « négociation collective » ?
- Ce qui se mesure s’améliore, dit-on. Comment alors, dans une entreprise, dans une branche professionnelle, etc., mesurer ce « dialogue social », pour le rendre plus performant si l’on ne sait ce que cette notion désigne exactement ?
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La page Podcast de ce weblog s’est enrichie aujourd’hui d’un nouvel item. J’ai en effet proposé il y a quelques jours à Frédéric Géa de nous présenter sa conception du dialogue social. Pour l’écouter, cliquer ici. Écouter son analyse est roboratif. Sa manière de mobiliser le mot dialogue et de réaffirmer les deux conditions nécessaires d’un rapport social dialogique – la réciprocité et l’égale possibilité de pouvoir exprimer son point de vue – permet de réévaluer, à nouveaux frais, cette question – quasi arlésienne, au sens de l’opéra de Bizet ! – d’un « dialogue social » souvent invoqué, parfois pratiqué, mais si peu conceptualisé… À vos casques !
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